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Un jour (presque) heureux

Nouvelle, Février 2023, O.J.A Bisson.

Univers : Le Manoir Priller

Partie 1 :

 11 avril 1798

 

   Les rayons du soleil éclairent ma chambre. Je suis allongée dans mon lit repensant au mois qui venait de s’écouler. Je n’arrive pas à croire que mon plan s’est passé exactement comme je l’avais imaginé, enfin, pas totalement. Comme Jules m’avait promis, il était revenu avec mère qui nous a surpris en train de nous embrasser avec Édouard. J’ai eu le droit à des remontrances comme jamais je n’en avais eu auparavant et je ne parle même pas d’Adrien qui lui voulait carrément me renier.    Si mère ne l’avait pas empêché, je ne sais pas ce qu’il serait advenu de ma pauvre personne. Jules m’a aussi grondé, me disant que jamais je n’aurais dû faire cela et que s’il s’était douté de ce que je prévoyais, jamais il ne m’aurait aidé. À la fin, Adrien a cédé à mère, j’ai pu donc rester dans cette famille et un mariage a été organisé entre moi et Édouard. Hors de question que je sois celle qui souille la réputation des Priller, c’est ce que mère a dit. Et je dois avouer que tout cela a entièrement fait mes affaires.

   Je m’étire dans le lit et me retourne afin de tourner le dos à la fenêtre, je me sens si fatiguée ces derniers jours. Si je le pouvais, je resterais bien au lit toute la matinée. Bernadette entre dans ma chambre alors que je mets la couverture sur mon visage afin de le cacher.

   Non, s’il vous plaît, laissez-moi dormir encore un peu !

   – Vous êtes encore endormie, Mademoiselle ? Vous savez que vous ne pouvez pas passer la journée au lit aujourd’hui, me sourit ma camériste.

   – Je le sais, mais cela n’empêche pas que je le souhaiterai.

   – Nous avons rendez-vous à quatorze heures à l’église. Et… regardez votre tête ! Vos cheveux ressemblent à un nid d’oiseaux. Combien d’heures vais-je mettre à démêler votre tignasse ? Ne vous ai-je pas déjà dit de vous coucher avec vos cheveux attachés ? Je me souviens bien les avoir nattés hier soir. Qu’avez-vous donc fait pour qu’il soit dans cet état ?

   Je passe une main distraite dans ma chevelure tombant sur des nœuds. Je ne me souvenais plus du pourquoi je les avais détachés, sûrement un geste inconscient durant la nuit. Avec un soupir et une énergie proche de zéro, je me lève du lit pour plonger dans le bain que venait de me préparer Bernadette. Elle verse de la rose, mon parfum préféré et pendant que je me détends dans l’eau chaude, je la sens essayer de démêler ma longue chevelure châtain. Un bâillement s’échappe de mes lèvres alors que mes yeux se ferment doucement.

   – Réanne, vous venez juste de vous lever ! Vous n’allez pas vous rendormir, n’est-ce pas ?!

   – Je suis désolée, mais je suis vraiment épuisée. Cela doit être dû à l’angoisse des derniers jours.

   – C’est sûr. J’ai bien eu peur de vous perdre avec tout ce que vous avez fait ! Pensez-vous que le compte était sérieux à propos de vous mettre à la porte ?

   – Avec Adrien ? On ne sait jamais. Peut-être était-ce une manière de m’effrayer ou alors, sans mère, je serais enfermée dans un couvent sans le moindre espoir de voir la lumière du jour une nouvelle fois.

   Je pose une main théâtrale sur mon front avec un petit ricanement. Je peux en rire, car rien de tout cela ne s’est passé. J’entends ma camériste pester contre moi, me disant d’arrêter de dire des sottises. Alors que je me laisse bercer par le son de sa voix. Elle m’est si familière, me rassure comme la voix d’une mère.

 

   Bernadette me fit sortir de la baignoire près d’une heure plus tard et se mit à m’habiller avec l’une des plus belles robes que j’ai pu porter dans ma vie. Ma robe de mariage. Elle était magnifique, de couleur crème composée de broderie et de perles. La richesse de notre famille transperçait dans cet habillement. Je me regarde dans le miroir alors que ma camériste met les derniers artifices dans mes cheveux. Je ne peux pas être considéré comme une belle femme, mon teint est blanchâtre, presque fantomatique, mes yeux bleus sont un peu trop grands et mes lèvres trop fines. Là où l’apparence des jeunes filles devrait être en chair et en volupté, je me retrouve avec ce corps amaigri et filiforme. Je baisse mes yeux sur ma robe, me perdant dans mes pensées. Est-ce qu’Edouard aimera ma tenue ? Est-ce qu’il pourra me pardonner ?

   Car depuis 1 mois, nous ne nous sommes pas adressé la parole. Il ne m’a pas rendu visite une seule fois et même pour notre bal de fiançailles, que mère avait organisé, il a tout fait pour m’ignorer et n’a pas dansé avec moi. Parfois, une mélancolie soudaine s’empare de mon esprit me faisant me demander si j’ai fait le bon choix. Et si jamais, notre relation restait ainsi ? Et si mon avenir était voué à être une mariée éplorée attendant que son mari lui montre enfin de l’attention ?

   – Mademoiselle, vous allez bien ? me demanda Bernadette ressentant mon changement d’humeur.

   – Je…

   La porte qui s’ouvre m’interrompt dans ma phrase et je me retourne pour tomber dans le regard à la fois sévère, mais inquiet de ma mère. Un éventail à la main qu’elle claque dans l’autre en un tic nerveux. Sous cette apparence, je sens que cette situation lui est très difficile et que ce comportement est celui d’une mère qui va bientôt perdre son enfant. Son dernier bébé et sa seule fille. Elle sait parfaitement ce qui m’attend et je pense sincèrement, qu’elle ne veut pas que mon mariage soit malheureux ou qu’il m’arrive quelque chose.

   – C’est le grand jour, dit-elle d’une voix calme.

   – C’est le grand jour, je répète et j’ai l’impression que cette phrase m’est plus adressée à moi-même qu’à elle.

   Je sens Bernadette s’éloigner et quitter la chambre afin de me laisser un peu plus d’intimité avec ma mère. Celle-ci s’approche et tend la main comme si elle voulait me toucher avant de la laisser retomber le long de son corps. C’est la première fois que je la vois aussi perdue et incertaine dans ses gestes.

   – Après le mariage à l’église, une réception est organisée pour fêter cela avec la haute société… et… vous convolerez en justes noces.

   – Mère, vous savez que le domaine Harcourt n’est qu’à un peu plus d’une heure de cheval du manoir ? Je pourrais venir vous voir souvent, vous n’avez pas à vous inquiéter.

   Je remarque qu’un faible sourire, qui resta sur ses lèvres à peine trois secondes, se dessina sur le visage de la comtesse avant qu’elle ne se reprenne et sorte un petit sachet de sa poche.

   – Tournez-vous, m’intimide-t-elle.

   J’obéis aussitôt et un sursaut de surprise parcourt mon corps lorsque je sens la froideur du métal se poser sur la peau de mon cou. Je porte automatiquement la main dessus afin de ressentir le bijou sous mes doigts. C’est un collier en pierre précieuse, et lorsque je regarde dans la glace, je constate que c’est en diamant.

   – Il est magnifique, je souffle émerveillée.

   – C’est un cadeau. Pour votre mariage.

   Le silence s’installe dans la pièce alors que je me retourne pour voir son visage. C’est étrange le fait qu’elle soit si petite, je la dépasse d’environ dix centimètres et à cet instant, alors qu’elle avait toujours paru la plus forte, elle semblait si frêle et fragile. Ses yeux noir charbon étaient encore plus ternes que d’habitude et de légers soupirs transperçaient ses lèvres. Je lève les yeux au ciel, essayant de retenir les larmes qui me montent. J’avais tellement été obsédée par mon désir de liberté, le fait de partir loin et de vivre enfin ma vie, que je ne m’étais pas rendu compte que, malgré les erreurs, elle n’avait de cesse, essayée de me protéger et qu’elle avait fait de son mieux en tant que mère. Même si son mieux n’est pas ce que moi j’attendais.

   J’humecte mes lèvres dans l’intention de répondre lorsqu’elle me coupe.

   – Nous devons y aller. Il va être l’heure.

   J’acquiesce et sans un mot de plus, nous sortons de la chambre afin de nous diriger vers la voiture qui nous attend devant l’hôtel. Cette voiture qui allait sceller mon destin. Le destin que j’ai choisi.

 

***

 

   – Vous allez voir, tout va bien se passer, me dit ma mère alors que je m’apprête à descendre de la voiture.

   Je lui fais un faible sourire alors que la porte s’ouvre, me dévoilant aux invités qui m’attendent devant l’église. J’ai un mouvement de recul en voyant leur nombre, est-ce que ma mère avait invité absolument toute la haute société ? Je retiens une grimace et à l’aide du cocher qui me tend sa main, je descends les quelques marches qui me séparent du sol.

   Je traverse la grande allée pour arriver devant l’autel alors que j’aperçois du coin de l’œil Jules et Adrien sur le bas-côté. Jules me fait un signe de la main et son sourire est éclatant. Je le vois sincèrement heureux pour moi et cela me réchauffe le cœur, je pourrais toujours compter sur lui, je le sais. Jules, c’est Jules, il est et restera spécial. Quant à Adrien, je me demande encore s’il n’est pas à deux doigts d’annuler tout le mariage et de disparaître, le regard acéré qu’il me porte me fait déglutir et détourner le mien le plus vite possible. Je ne voudrais pas avoir une crise le jour de mon mariage.

   Alors mon regard se pose loin devant, là où m’attend mon futur époux. Il est debout et me montre son dos. Je peux seulement voir son immense carrure et ses cheveux bruns descendre sur sa nuque. Mon cœur s’emballe, près de trois semaines que nous ne nous sommes pas vues. Trois longues semaines dans lesquelles il m’a manqué à chaque minute qui passait et à présent qu’il se trouvait à quelques mètres de moi, je ne veux qu’une seule chose, courir dans ses bras. J’ai besoin qu’il me rassure, qu’il me dise que tout va bien se passer et que je n’aie pas à m’inquiéter, mais lorsque j’arrive enfin à ses côtés. Il ne me lance même pas un regard. C’est comme si je n’existais pas à ses yeux. Je tourne ma tête et l’examine. Sa barbe est vraiment plus longue que dans mes souvenirs et il semble avoir pris du muscle, s’est-il adonné au sport ? Ses yeux, je veux voir ses yeux verts, je veux ressentir à nouveau son amour sur ma peau, mais peut-être est-ce trop demandé ? Peut-être que cela ne se fera plus jamais. Déçue, je retourne mon regard sur le prêtre qui est en train de nous donner la bénédiction. Pourquoi un mariage est-il si ennuyeux ? Ne pouvons-nous pas directement passer à « Je le veux » puis sortir d’ici ? Et si je demandais à mère d’écourter la réception et qu’on passait directement au voyage de noces ? Je retiens un ricanement alors que j’imagine la tête que ferait la comtesse si je lui demandais réellement cela.

   La cérémonie se termine dans la tradition la plus parfaite et nous sommes tous invités à retourner dans l’hôtel particulier des Priller afin de fêter ce mariage comme il se doit. Je monte dans la voiture avec Edouard qui ne m’a toujours pas adressé la parole et je dois avouer que ça commence à m’angoisser. Il ne va jamais me pardonner, n’est-ce pas ? Alors que nous sommes seuls, je pose délicatement ma main sur la sienne comme pour lui signifier ma présence, mais il la retire aussitôt, tournant la tête vers la fenêtre pour regarder à l’extérieur. Une soudaine envie de fondre en larme me prend alors que nous arrivons devant la demeure. Bonne figure. Je dois faire bonne figure.

   Tout va bien Réanne. Tu as eu ce que tu voulais alors, il ne faut pas que tu te mettes dans un état pareil.

   Il descend de la voiture en premier et je dois avouer être surprise lorsque je le vois me tendre la main pour m’aider à descendre. Mon gant m’empêche de ressentir la chaleur de sa peau, mais pas un frisson de parcourir mon corps à la simple sensation de ce contact. Je relève immédiatement mon regard pour essayer de plonger dans le sien, mais trop tard. Une fois que mes pieds touchent le sol, il s’éloigne pour entrer dans ma demeure. Ancienne demeure pour être exacte. Je le suis, essayant de trouver quelque chose à me raccrocher.

   Nous entrons dans la salle de réception où tout le monde nous attend. Ils lèvent leur verre à notre honneur alors que la musique commence à se faire entendre. Une fois les bonnes manières faites, je m’éloigne un peu, ne me sentant pas capable de jouer cette comédie plus longtemps. Je bouscule quelques personnes pour traverser la salle dans l’autre sens et me retrouver dans un coin plus tranquille. Mon regard recherche immédiatement Edouard qui est en train de parler avec un couple âgé. Au moins, ce n’est pas une belle femme qui essaye de lui mettre le grappin dessus. Une moue boudeuse se dessine sur mon visage alors que je prends un petit four. Manger répare les cœurs, non ?

   Je suis en train de croquer mon troisième petit sandwich lorsque Jules s’installe à côté de moi sur le divan. Je m’étais un peu éloigné m’installant dans le petit salon qui se trouvait à côté de la grande salle de réception. Je suis surprise qu’il soit venu ici de lui-même, sûrement qu’il me cherchait. J’ignore son regard ne sachant pas vraiment quoi dire. Edouard est son ami et ils avaient dû parler ensemble de cette situation et de ma personne.

   – Réanne, dit-il doucement posant une main sur la mienne dans un geste réconfortant.

C’est un geste simple, mais qui suffit à me faire fondre en larmes dans ses bras. Je le serre très fort alors qu’il accentua son étreinte. J’ai besoin de lui maintenant, comment je vais faire s’il n’est plus à mes côtés ? Qui allait me protéger ?

   – Jules… Je suis tellement désolée. Vraiment…

   Un soupir passe ses lèvres alors qu’il me caresse les cheveux dans un geste tendre. Il me relève la tête pour voir mes yeux et pose un baiser sur mon front. Toujours en tenant mon visage entre ses mains.

   – Tu sais que ce n’est pas à moi qu’il faut présenter des excuses…, me dit-il finalement.

   J’acquiesce comprenant parfaitement ce qu’il voulait dire. Même s’il était autant consentant que moi dans cette histoire, j’ai quand même fait en sorte qu’on nous surprenne et de le piéger dans ce mariage. Un mariage qui ne sera pas avantageux pour lui… Oh mon dieu ! J’avais été si égoïste. Je sais qu’il m’a dit que peu importait s’il n’avait pas d’enfants, mais si cela se produisait vraiment ? Si je n’arrivais pas à lui donner d’héritier et que dans quelques années, il en voulait. Je venais de faire plus que de le piéger. Je venais de le condamner à une vie entière avec une femme malade. Cette soudaine pensée me donne la nausée. Je me sens très mal.

   – Réanne ? Tu vas bien ? Tu es vraiment très pâle, s’inquiète Jules se relevant comme prêt à aller chercher mère.

   J’ouvre la bouche pour répondre que ça va aller, mais je n’eus pas le temps de dire quoi que ce soit que je me précipite, tête la première dans le vase de collection de ma mère, pour vomir dedans. Je ne savais pas que le sentiment de culpabilité pouvait rendre aussi malade.

   – Seigneur ! Réanne, je vais chercher mère, paniqua mon frère alors qu’il se précipite vers la sortie.

   – Jules ! NON !

   Il se retourne surpris et me regarde comme si j’avais totalement perdu la tête, ce qui devait être vrai. Je pense que je suis complètement folle à présent. Je ne sais pas à quoi je dois ressembler dans son regard, mais sa vision ne devait pas être très flatteuse. Moi, à genoux sur le sol, avec un énorme vase devant moi, tête penchée par-dessus. Si seulement je ne me sentais pas aussi mal, je serais en train de rire. J’essaye de me reconcentrer sur mon frère qui attend que je parle, main toujours sur la poignée de la porte.

   – Si tu en parles à mère. Elle refusera que je parte en voyage avec Edouard et voudra que je reste auprès d’elle. Comment puis-je faire en sorte d’arranger les choses avec Edouard si nous ne pouvons pas nous retrouver tous les deux ?

Je vois sa main s’enlever de la poignée pour la passer dans ses cheveux. Il sait que j’ai raison, mais je ressens qu’il est toujours inquiet pour moi. La nausée est à présent passée alors je tente de me relever. Jules se retrouve en trois secondes à mes côtés pour m’aider et je lisse ma robe alors qu’il replace une mèche de cheveux dans mon chignon.

   – Réanne… ne me fait plus une peur pareille, compris ?!

   – Je suis désolée. Mais je te promets que je vais mieux à présent.

   La porte s’ouvre soudainement et je vois ma mère apparaitre sur le pas de la porte. Ses sourcils sont froncés et ses mains sont sur ses hanches prouvant qu’elle n’est pas ici pour des marques d’affection.

   – Réanne ! Que faites-vous donc ici ?! Et avec votre frère ! Jules, quand je vous ai demandé de chercher votre sœur, cela ne signifiait pas de rester plus de vingt minutes, cachés ensemble. Les invités attendent pour l’ouverture du bal. Vous devez aller danser avec votre époux ma chère.

   Je jette un coup d’œil inquiet à mon frère qui me fit un sourire réconfortant comme pour me signifier que tout allait bien se passer. Je me retourne vers ma mère et elle me fait signe de me dépêcher. Je me sens encore un peu nauséeuse et la pensée de me retrouver en face d’Edouard n’arrange pas mes affaires. Je sors de la pièce suivant la comtesse qui m’emmène directement vers mon cher époux qui est en train de plaisanter avec une femme. Mon regard la parcourt de haut en bas, c’est une femme de grande taille qui dépasse la plupart des autres femmes invitées, et même les hommes pour être honnête. Ses longs cheveux blond miel étaient détachés, tombant en boucle souple sur ses reins. Elle avait aussi toutes les formes dont les hommes rêvaient et était mon contraire exact. Si je me souviens bien, Jules me l’a déjà présenté, il y a quelques années, elle est une de nos voisines, Flavie Daudile, fille du compte de Vailois. Mon regard perçant ne la lâche pas alors que je la vois poser une main sur le bras d’Edouard. Mon sang ne fait qu’un tour. Qu’est-ce qu’elle lui voulait ? C’était une veille fille d’au moins trente ans, jolie certes, mais une veille fille tout de même. Qui l’a invité à mon mariage ? Ma bouche se déforme alors que mes sourcils se froncent en avançant vers mon époux. Mon époux, cela fait si étrange de l’appeler ainsi, mais je ressens une pointe de bonheur envahir mon cœur. C’était le mien et celui de personne d’autre.

   Arrivée devant eux, je fais un sourire poli — et tout autant hypocrite — à Flavie, avant de me retourner vers celui qui fait chavirer mon cœur. Lui aussi me sourit, et c’est le même que celui que j’ai donné à la jeune femme. Ouch ! Ça fait mal de se faire traiter de la sorte. Ses lèvres sont recourbées, mais ses yeux… Ils étaient presque inexpressifs ou au contraire, si expressifs que cela me donne une nouvelle fois la nausée. Il me déteste, ce n’est pas possible autrement.

   – Vous me cherchiez ? je demande enfin alors que la tension commence à devenir pesante.

   – En effet, nous devons ouvrir le bal.

   Ce fut court, sec et concis. Derrière cette phrase, il y avait tellement de choses à redire. Je vois bien qu’il n’a pas envie de se coller à cette tâche et que s’il le fait, c’est pour m’éviter une humiliation. Pour être honnête, je ne sais pas comment le prendre, dois-je être reconnaissante qu’il me respecte assez pour être attentif à cela ou en colère que, pour lui, ce mariage ne soit rien d’autre qu’une pièce de théâtre dans laquelle chacun doit jouer son rôle à la perfection. J’acquiesce sans qu’un mot ne puisse sortir de ma bouche. J’ai la gorge serrée, moi qui avais encore l’espoir que les choses puissent s’arranger, je le vois peu à peu s’éloigner dans les profondeurs de sa rancune.

   Il me tend la main et je glisse la mienne dans la sienne. Malgré tout, ce geste m’est réconfortant. Je ressens sa chaleur et la façon dont ses doigts s’entrelacent dans les miens comme une habitude prise au fil des mois à danser ensemble. Mais ce n’est que cela : une habitude. Il n’y a pas de sentiments comme les autres fois ou de douceur cachée. Simplement un geste machinal. Il m’emmène sur la piste de danse alors que les invités nous regardent. Ils n’attendent qu’une seule chose, un faux pas afin de pouvoir raconter à qui veut l’entendre que Réanne Priller et Edouard Harcourt ne se sont mariés que pour éviter une polémique. Un frisson de dégout parcourt mon corps alors que je sens la main d’Edouard caresser mon dos dans un geste réconfortant. Surprise, mes yeux se relèvent immédiatement pour regarder l’homme qui se trouve dans mes bras, mais celui-ci évite toujours mon regard, se concentrant sur les pas qu’il faisait. Cependant, cela n’enlève en rien à la joie que je ressens. Il y avait encore de l’espoir en fin de compte.

   L’ouverture de bal se termine bien trop tôt à mon goût et Edouard s’éloigne délicatement afin de retrouver les invités. Notamment, Mademoiselle Daudile et Jules qui l’a rejoint. Cette vision me donne mal à la tête et je décide de retourner dans le petit salon adjacent. Je vais m’allonger un peu et attendre que le temps passe. De toute manière, je n’ai que cela à faire : attendre.

   Ce n’est que trois longues heures plus tard qu’Edouard vint me chercher pour qu’on puisse partir en voyage. Notre voyage de noces.

 

***

 

   Cela fait plusieurs heures que nous roulons vers une destination qui m’est inconnue. Mais une chose est sûre, c’est que nous ne retournions pas dans notre contrée. C’est même l’exact opposé. Je suis dans la voiture avec Edouard et je sais que Bernadette ainsi que d’autres employés nous suivent dans une autre voiture. Ce qui prouve que nous partons pour quelques semaines, voire quelques mois. Le silence était plutôt de mise dans l’habitacle, je suis beaucoup trop fatiguée pour tenir une conversation et Edouard… Edouard ne semble pas vouloir baisser les armes maintenant. Il m’a juste prévenu que le trajet prendrait un peu plus de trois jours et que nous dormirons deux nuits dans une auberge. Cela m’importe peu, les auberges de nos jours, sont bien entretenues et nous y mangeons convenablement.

   Le soleil commence à disparaître à l’horizon et je me doute que nous n’allons pas tarder à nous arrêter pour passer la nuit au chaud. La voiture s’immobilise quelques minutes plus tard, et j’entends le cocher descendre afin d’ouvrir la porte du côté droit pour nous laisser sortir. Edouard passe en premier et se retourne pour me tendre la main afin de m’aider. Ce geste me touche plus que de raison, peut-être est-ce parce que, quelques heures auparavant, il m’avait totalement ignoré ? Je me retrouve très vite à ses côtés, entrant dans l’auberge alors qu’il réserve les chambres. Ma tête se tourne immédiatement vers lui lorsque j’entends que nous ferons chambre à part. Nous sommes mariés à présent, il est hors de question que nous ne dormions pas ensemble ! Une moue boudeuse se dessine sur mon visage et un soupir de frustration passe mes lèvres lorsque nous nous dirigeons dans le couloir. Il s’arrête devant une porte et l’ouvre, se poussant pour me laisser entrer.

   – Voici votre chambre, me dit-il simplement.

   – Merci…

   Je voudrais ajouter plus, lui dire ce que j’ai réellement sur le cœur, mais je suis effrayée que cela ne fasse qu’empirer les choses. Il n’est pas prêt à me pardonner et le forcer ne donnera rien de bon. Peut-être qu’il faut seulement laisser le temps au temps. Cette pensée ne m’enchante guère, mais je n’ai pas le choix alors je rentre dans la chambre l’entendant fermer la porte derrière moi. Suis-je devenue une prisonnière ? Je m’allonge sur le lit qui est très confortable, Edouard a choisi une auberge de qualité, cela est certain. Tout dans le lieu cri le raffinement, l’élégance et l’argent. Je ne serais pas étonnée si le roi lui-même s’était déplacé dans cet endroit. J’humecte mes lèvres alors que je me retourne, le voyage m’a épuisé et c’est sûrement une bonne chose que je ne sois pas avec Edouard maintenant, comme cela, je vais pouvoir me reposer.

 

   Sans que je m’en aperçoive, mes yeux se ferment et le sommeil m’emporte. Je ne sais pas combien de temps après, mais Bernadette entre dans la chambre et me réveille afin que je me mette en tenue de nuit. Étant toujours dans les tourments du sommeil, je la laisse faire et me recouche presque aussitôt. Il ne faut pas longtemps pour que Morphée m’accueille une nouvelle fois en son sein.

 

***

 

   Quand je me réveille, Bernadette est déjà dans ma chambre à attendre. Elle est assise dans un fauteuil près du feu et elle regarde les flammes danser. Son visage à l’air fatigué, le voyage doit être très éprouvant pour elle. M’entendant gigoter dans le lit, elle se relève immédiatement pour venir à mon chevet.

   – Vous allez bien Madame ? demande-t-elle soucieuse.

   Je ne comprends pas vraiment ce froncement de sourcil et cette moue inquiète. Je tourne ma tête vers la coiffeuse et je remarque mon teint blanchâtre, presque fantomatique. Pourtant, je ne me sens pas si mal que cela. Seulement exténuer et dire qu’il nous restait encore deux jours sur la route.

   – Je vais bien, ne vous inquiétez pas. Dois-je descendre prendre mon petit-déjeuner ?

   – Monsieur Harcourt m’a demandé de vous le monter.

   Elle se dirige vers la table et prend le plateau sûrement pour le déposer sur le lit. Mais je ne me sens pas de manger sur le lit, à vrai dire, je ne me sens pas de manger tout court. Je pense que la nervosité que je ressens par rapport à ma situation avec Edouard me coupe l’appétit. Je me lève donc précipitamment et arrête Bernadette dans son geste la faisant reposer le plateau sur la table.

   – Je vais manger à table.

   – Bien Madame. Je dois vous avouer que cela me provoque une sensation étrange de vous appeler ainsi, Madame Harcourt. Je vous connais depuis votre naissance et vous voilà mariée !

   Je ne peux m’empêcher de sourire. Bernadette était vraiment une femme extraordinaire, toujours là pour moi et pour me soutenir. Elle n’avait même pas encore vingt ans lorsqu’on lui avait confié ma garde à ma naissance. Fille de l’ancienne gouvernante, elle-même avait été élevée au manoir. Et dix-huit ans plus tard, voilà qu’elle me suivait dans ma nouvelle demeure. Je suis si heureuse que mère ait accepté qu’elle m’accompagne dans ce nouveau chapitre de ma vie.

   – Bernadette, je dois vous avouer que je me sens assez sceptique face à la situation. Peut-être même devrais-je employer le mot désespéré. Edouard et moi, nous sommes officiellement mariés à présent, mais il me regarde à peine et vous avez remarqué, cette nuit, il a même décidé de faire chambre à part ! Je ne sais plus vraiment comment me comporter pour que notre relation redevienne comme avant.

   – Ma petite, ma petite…, soupire ma camériste en versant l’eau pour le thé dans une tasse. Un homme a son égo, ne vous inquiétez pas, cela s’apaisera avec le temps.

   – Mais je ne veux pas attendre…

   – Dans ce cas, pourquoi n’essayerez-vous pas une nouvelle fois de le séduire ? Vous êtes marié à présent. Montrez-lui la chance qu’il a de vous avoir pour femme et faites-lui rappeler l’alchimie qui se trouvait entre vous avant que la situation dégénère. Car… vous avez eu ce que vous souhaitez finalement.

   Je croque dans le pain rempli de confiture tout en pensant à ce que Bernadette venait de me dire. Elle avait sûrement raison, je devais rappeler à Edouard ce pour quoi il était tombé amoureux et qu’il avait voulu m’épouser au départ. Le silence, c’est terminé ! Ce soir, nous dormirons dans la même chambre.

 

   Cela fait plusieurs heures que nous roulons et la voiture est toujours silencieuse. Moi qui étais pleine de résolutions dans la matinée, tout cela s’était évaporé quand j’ai remarqué l’humeur abominable dans laquelle se trouvait mon mari. Alors nous voilà ainsi, assis côte à côte dans l’habitacle sans nous accorder un mot ou un regard. Cela en était trop !

   – Avez-vous bien dormi ? je demande afin de commencer une conversation.

   La mélodie de ma voix le surprit, car il relève la tête immédiatement pour me regarder. Son visage est sérieux et ses traits sont tirés, mais il ne semble pas être en colère contre moi à cet instant.

   – Pas aussi bien que je l’aurai espéré.

   L’entente de sa voix me procure des frissons. Je pourrais même pleurer, depuis combien de temps je n’ai pas entendu sa voix apaisée ? Aucune idée, mais cela me donne la sensation que les choses peuvent encore s’arranger entre nous.

   – Des insomnies ?

   – J’ai le sommeil agité depuis quelques semaines pour être honnête. Je pense que beaucoup de choses m’ont tracassée ces derniers temps.

   J’acquiesce me sentant mal d’être à l’origine de ses insomnies. Sûrement qu’il s’est inquiété pour notre mariage, la relation avec Adrien, comment cela allait impacter les personnes qui travaillent pour lui. Il y avait tant de situations collatérales qui sont ou auraient pu être endommagées par ma faute. Je baisse les yeux, me sentant plus que coupable et je commence à me sentir malade.

   – Et vous ? Avez-vous bien dormi ?

   Cette fois-ci, c’est moi qui relève la tête brutalement par la surprise. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me retourne la question, surtout que nos relations sont toujours tendues. Cela veut-il dire que nous avons encore une chance de nous réconcilier ?    Cependant, je ne sais pas quelle est la bonne réponse à cette question. Si je lui réponds que « oui, j’ai bien dormi. » Il va penser que cette histoire ne me préoccupe pas et si je lui réponds que « Non, en ce moment, j’ai du mal à dormir. » Il me va trouver injuste de me plaindre alors que lui, il a tant à faire dans sa vie.

   Je sens son regard fixé sur moi et je sais qu’il attend une réponse.

    Vite, vite, Réanne, pense à quelque chose !

    – Je dormirais mieux si vous étiez à mes côtés…

    Je me mords la lèvre dès que ces mots sortent de ma bouche, ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire. Enfin si, vu qu’ils sont sortis de ma bouche, mais… Je ne sais pas comment il va prendre cette information. Il me fixe pendant de longues minutes sans dire un mot, qu’est-ce que j’aimerai pouvoir voir ce qu’il se passe dans sa tête, à quoi est-il en train de penser. Le silence me répond encore pendant de longues minutes. Minutes interminables qui me donnent l’envie de sauter de la voiture et de disparaître, c’est ce qui arrive lorsque l’on ne réfléchit pas avant de parler.

   – Je dormirais à vos côtés ce soir.

   C’est la dernière phrase qu’il prononce avant qu’il ne se replonge dans son petit carnet dans lequel il fait des annotations. Il dormira avec moi ce soir ! Ces mots me mettent en joie et je ne peux m’empêcher de me trémousser sur la banquette d’impatience. Je n’ai qu’une seule hâte que la nuit tombe et que nous arrivions enfin à l’auberge.

 

***

 

   Je suis dans la chambre et je laisse Bernadette me donner un bain. Je l’ai réclamé, car, pour la première nuit que nous allons passer ensemble, j’aimerais ne pas sentir la forte odeur du voyage. Ma première nuit avec Edouard ! Je suis si excité que je ne peux m’empêcher de sourire telle une jeune fille sans cervelle. Bernadette n’arrête pas de me regarder comme si j’étais devenue folle et sûrement que je le suis. Il ne fait aucun doute qu’une autre femme de ma condition n’aurait jamais réagi ainsi.    Mais je ne suis pas comme les autres femmes et je me trouve très bien comme je suis et heureuse… Edouard me parle à nouveau, j’ai bien le droit de me réjouir, non ?

   – Madame Priller… Harcourt ! Pardonnez-moi, je dois vraiment commencer à m’y habituer.

   – Ce n’est rien, je chantonne heureuse d’entendre ce nom pour me désigner.

   Je suis sa femme à présent, je suis madame Harcourt et non plus Mademoiselle Priller. Réanne Harcourt, cela sonne si bien. Un nouveau sourire se dessine sur mon visage alors que je ne peux m’empêcher de lâcher un gloussement des plus heureux.

   – Pourquoi souriez-vous ainsi ? demanda Bernadette alors qu’elle me lave les cheveux.

   – N’ai-je pas le droit, je demande surprise.

   – Ce n’est pas cela, mais Madame, cela fait des jours que vous êtes si triste qu’à présent, c’en est presque étrange de vous voir si heureuse.

   – Bernadette, je commence en me relevant dans le bain. Je vais commencer à croire que vous me préférez lorsque je suis triste à m’apitoyer sur mon sort !

   – Non, pas du tout, comment pouvez-vous penser cela ! C’est juste que… je m’inquiète pour vous, imaginez qu’il ne vienne pas ?

   – Non, pas vous…, je soupire replongeant dans l’eau. Habituellement, vous êtes celle qui est optimiste et qui me procure de si précieux conseils, vous ne pouvez pas me dire cela, je vous l’interdis.

   – Bien madame.

   Je vis Bernadette me faire un léger sourire avant qu’elle ne continue de démêler mes cheveux. Je savais qu’au fond, elle avait peut-être raison, cela est bien trop étrange qu’Edouard accepte aussi facilement mes demandes. Mais je ne veux pas que les pensées négatives qui affluent dans mon esprit gâchent ma joie de ces retrouvailles. Edouard allait être tout à moi ce soir et je ne l’abandonnerais pas.

 

   Je suis assise sur le lit, ma tenue de nuit enfilée attendant qu’Edouard monte dans la chambre. Lors du dîner, il ne s’était rien passé d’inhabituel, Edouard était très peu bavard et le repas s’était déroulé dans un silence légèrement pesant. Une fois terminé, il avait prétexté avoir quelque chose à voir avec le coché et que je devais monter sans l’attendre, car il ne savait pas combien de temps cela prendrait. C’est ainsi que me voilà, deux heures plus tard, assise sur le lit à attendre mon mari qui ne semblait pas vouloir passer la nuit avec moi. Sûrement qu’il pensait que lorsqu’il reviendrait je me serais endormie et qu’il     pourrait faire comme si rien ne s’était passé. Cela était bien loin de me connaître ! Il est hors de question que je m’endorme avant que je le voie passer la porte de cette chambre.

   Les minutes continuèrent de passer et toujours aucune nouvelle d’Edouard, s’il n’arrive pas dans les cinq prochaines minutes, je vais descendre dans les écuries et j’irais moi-même le chercher ! Heureusement pour moi, au moment où je vais me lever, j’entends des bruits de pas dans le couloir qui s’arrêtent juste devant la porte, c’est Edouard, j’en suis certaine. La porte s’ouvre doucement et Edouard entre, sans m’accorder un regard et dépose ses affaires sur la petite table près de l’entrée. Il commence à enlever ses bottes, puis ouvre son pantalon avant d’enlever la chemise en lin qu’il avait sur lui. Soudainement, je me sens comme si je n’étais pas à ma place, comme si je suis en train de regarder quelque chose que je ne suis pas censé voir. Mais impossible de détourner mon regard de ce corps, ce corps que je n’avais encore jamais vu sans vêtements. Ses longs cheveux, sa barbe qui avait à nouveau poussé, son immense taille et sa carrure. C’est à cet instant que je comprends qu’il lui suffit que d’une seule main pour me briser en deux, s’il le souhaitait. Pourtant, j’ai confiance en lui plus qu’en n’importe qui et je me sens en sécurité, j’ai l’impression que c’est la seule personne sur Terre qui ne me fera jamais de mal.

   Il se retourne vers le lit et s’arrête brusquement en me voyant assise dessus en train de le fixer outrageusement. Il hausse un sourcil pendant que sa main cherche la chemise qui se trouve sur le côté. Il semble vouloir se rhabiller et cette idée me déplaît affreusement.

   – Vous n’êtes pas encore endormie, me demande-t-il enfin.

   – Je vous attendais.

   Mon regard se fixe dans le sien alors que, gêné, il le baisse. C’est étrange de sentir que j’ai une telle emprise sur lui. Moi qui pensais que j’étais la seule qui était tombée dans ce gouffre qu’est l’amour, je me rends compte qu’il n’est pas meilleur que moi. Et qu’il n’a jamais cessé de m’aimer en réalité. C’est cela ! Il n’a jamais cessé de m’aimer. Alors que cette révélation s’offre à moi, je me relève du lit pour l’empêcher de remettre sa chemise. S’il la remettait, cela signifiait qu’il allait à nouveau passer cette porte pour partir, qu’il allait trouver une excuse pour ne pas être à mes côtés et cela, il en était hors de question. Ma main se pose sur la sienne alors que mon regard se lève vers lui.

   – Ne partez pas, dis-je dans un souffle. S’il vous plaît, restez avec moi.

   Mon regard est implorant et mon corps est brûlant. Il fait chaud, beaucoup trop chaud. Ou peut-être est-ce la chaleur de son corps que je ressens ? Peu importe, j’ai la sensation d’avoir besoin de lui, j’ai besoin qu’il me serre dans ses bras, qu’il me touche.

   – Réanne…

   Il s’humecte les lèvres alors que son regard dérive de mon corps pour se poser sur le lit derrière moi. Je ne sais pas à quoi il pense, mais moi, je sais très bien ce qui s’offre à mes pensées. Cela fait des semaines depuis la dernière fois que j’ai sentie ses lèvres sur les miennes, des semaines depuis que j’ai senti sa peau sur ma peau. J’ai envie de l’avoir pour moi à nouveau, j’ai envie qu’il me prouve à quel point il m’aime, j’ai envie d’avoir l’espoir que ce mariage n’est pas un mariage de convention, mais un mariage avec des sentiments, parce que moi, je l’aime. Je l’aime de tout mon cœur.

   – Edouard…

   Ma voix le réveille et ses yeux se fixent à nouveau sur ma personne. Je n’y vois aucune colère, aucun mal être, aucune lassitude, juste un feu ardent de désir. Il est en train de se retenir, mais il me veut autant que je veux de lui. Comment lui faire comprendre sans lui faire peur ? Comment puis-je lui montrer que ce qu’il ressent, je le ressens aussi et peut-être même deux plus fois ? Mes yeux se ferment alors que je sens ses mains sur mes hanches. Seul le fin tissu en coton de ma chemise de nuit la sépare de ma peau et, à l’instant même, je pourrais le supplier de l’enlever pour qu’enfin je la sente entièrement sur moi. Ses mains glissent doucement, remontant sur mon corps et un gémissement passe mes lèvres. Je suis si bien lorsqu’il me touche ainsi, lorsqu’il me montre de l’attention.

   – Réanne, je ne veux pas vous faire de mal…, il me dit alors que ses mains me rapprochent de son corps pendant qu’il plonge sa tête dans mon cou pour respirer le parfum de violette que je porte.

Mes bras se referment autour de lui, le rapprochant encore plus. Si seulement il savait que jamais il ne pourrait me blesser et que le sentir ainsi dans mes bras, c’était le plus beau cadeau que j’ai pu avoir depuis notre mariage. J’ai enfin l’impression qu’on se retrouve, qu’il me laisse à nouveau entrer dans sa vie. J’aimerais que le temps s’arrête et que nous puissions rester dans cette position pour toujours.

   – Je vous aime. Je t’aime.

   Ses mains touchent mon visage, le remontant pour qu’il puisse lire dans mes yeux. Il est si beau que j’en ai le souffle coupé. Comment ai-je fait, moi qui suis si banale, pour avoir cet homme dans ma vie ? Comment puis-je être aussi chanceuse ? Il pose délicatement ses lèvres sur les miennes avant que ses mains viennent me soulever pour me déposer sur le lit. Je sais qu’à cet instant, il a rendu les armes, serait-ce que pour une seule nuit ? Cela, je ne le saurais qu’au matin, mais pour le moment, je souhaite profiter du présent. Je souhaite profiter de ses bras, de ses lèvres, de son amour. Et même si demain, c’est un nouveau jour, jamais je ne pourrais regretter ce qu’il se passera cette nuit !

 

À suivre…

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